Le secteur du tourisme joue un rôle prépondérant dans l’économie de la Grande île. Après les années catastrophiques liées à la pandémie de la Covid-19, le tourisme malgache redémarre à son rythme. Le retour des dessertes prouve de façon concrète la relance, quelque peu tardive certes, mais dans la bonne voie. Et pas plus tard qu’aux 15, 16, 17 et 18 de ce mois, la tenue du salon du tourisme ITM au Centre de Conférence International Ivato confirme officiellement la reprise. Cet événement remet également Madagascar dans le concert des pays de destination touristique. Compte tenu des enjeux qui se présentent, nous nous sommes entretenu avec Lova Ratovomalala, directeur exécutif de la Confédération du tourisme de Madagascar qui a accepté de nous faire un tour d’horizon du secteur allant de la situation actuelle, aux perspectives en passant par les défis inhérents à son potentiel développement. Interview.
Midi Madagasikara (M.M) : Profitant de cet entretien, pouvez-vous nous présenter brièvement la Confédération du Tourisme de Madagascar (CTM) ?
Lova Ratovomalala (L.R) : La CTM représente le secteur privé du tourisme à Madagascar. Elle se positionne comme l’interlocuteur privilégié de l’Etat et des partenaires techniques et financiers. La Confédération est aussi force de propositions et de solutions pour contribuer au développement durable du tourisme à Madagascar.
Elle a été fondée en septembre 2017. Avec 90 membres à son actif, la CTM représente plus de 700 entreprises formelles réparties sur tout le territoire et dispatchées en 9 groupements/associations professionnelles ainsi qu’en 9 collèges de métiers. Ses activités portent principalement sur les dialogues public-privés, la professionnalisation du secteur, les lobbyings et la veille informationnelle du secteur.
Les valeurs qu’elle partage sont les suivantes : cohésion, partage, professionnalisme et innovation.
L.R : Le secteur tourisme à Madagascar est en train de se relever grâce au travail conjoint des parties prenantes du secteur touristique.Et ce, malgré une reprise timide en 2022 qui a enregistré seulement 130 000 arrivées touristiques représentant 34% des arrivées internationales de 2019 alors que la tendance mondiale était de 68%. Les raisons sont nombreuses si l’on ne cite que la réouverture et la levée tardive des restrictions sanitaires. À cela s’ajoute une offre aérienne limitée
Actuellement, les indicateurs sont au vert, les carnets de commandes en matière de réservations et les prévisions d’arrivées internationales sont pleins pour cette année. Le nombre de touristes mensuels ayant débarqué à Madagascar durant ce premier semestre tend à se rapprocher des chiffres de 2019. Les fréquences de vols hebdomadaires se multiplient, l’intérêt grandissant de grandes compagnies aériennes internationales envers la destination se fait pressentir et les grands événements de promotion font leur retour, à l’image de l’ITM qui marque officiellement la relance du secteur tourisme à Madagascar.
M.M : Quel bilan retenez-vous du salon ITM cette année ?
L.R : La 9e édition du salon ITM a surtout été un signe fort pour montrer l’unité et la cohésion de l’ensemble du secteur en réponse à la crise de la COVID-19 qui a fortement impacté la chaîne de valeur (80% de chômage technique, 20% de licenciements, près de 800 millions d’euros de pertes générées durant les 19 mois de fermeture des frontières).
Les opérateurs touristiques et le public ont répondu à l’appel des organisateurs. Des conférences/tables rondes mettant en avant des sujets importants tels que l’investissement, le digital ou le tourisme durable ont vu la participation de panélistes internationaux et nationaux de hauts niveaux. Une cinquantaine de tour-opérateurs émetteurs sont venus découvrir notre belle île et ont participé aux éductours.
La relance est bel et bien entamée, Madagascar revient sur le devant de la scène. Il faut toutefois la consolider car elle reste fragile.
M.M : La relance est là et elle se manifeste de façon concrète. Selon la CTM, que faudrait-il prioriser afin de la consolider ?
L.R : Le principal point à améliorer est sans conteste celui de l’offre de transport aérien. Car malgré la multiplication des fréquences de vols et le retour de certaines grandes compagnies historiques à l’image notamment de Corsair, il y a un manque conséquent de capacité de sièges et de rotations pour espérer retrouver rapidement les niveaux de 2019 et escompter atteindre les 500 000 visiteurs à l’horizon 2025. De nouvelles routes aériennes doivent être développées rapidement. Il faut permettre aux compagnies aériennes étrangères de venir à Madagascar sans entrave, mais également augmenter le nombre d’aéroports aux normes internationales.
C’est surtout au niveau de la desserte domestique que le bât blesse, vu l’état déplorable des infrastructures routières qui affecte sérieusement le déplacement des voyageurs internationaux et locaux d’une ville à l’autre et le coût trop onéreux des billets d’avion.
M.M : Compte tenu des problématiques de connectivité aérienne domestique, la CTM a-t-elle des pistes de solutions à préconiser ?
L.R : De manière claire, des décisions courageuses venant d’en haut doivent être prises afin de permettre de pérenniser la relance touristique et de répondre aux attentes des voyageurs. Le problème étant que la compagnie aérienne nationale ne dispose actuellement que de deux avions de type ATR alors qu’il en faudrait au moins 5 ou 6 pour supporter l’ensemble des flux touristiques prévus pour cette année. Et si on ne trouve pas de solutions idoines très rapidement, c’est la saison qui tombe à l’eau pour les opérateurs touristiques qui peinent encore à remonter la pente suite à la crise sanitaire. Tous les efforts de part et d’autre pour relancer la machine n’auront finalement servi à rien.
De cette manière, des partenariats avec des compagnies aériennes pourraient être envisagés dans un premier temps. Le temps que Tsaradia puisse opérationnaliser de nouveau sa flotte domestique.
Je voudrais rappeler que le tourisme, secteur pourvoyeur d’emplois et de devises, représente 10% du PIB, 13,9% du marché de l’emploi à Madagascar. Le secteur fait vivre près de 1 500 000 personnes dans la chaîne de valeur.